RSE, reprenons les bases

Développement durable… L’expression n’est plus à la mode. Tout doit être un « développement durable » et on ne sait plus ce que cela signifie. Mes charmants (mais néophytes) collègues de bureau confondent le développement durable, la RSE, l’éthique, le bio, le non-consumérisme, le yoga, la lithothérapie, la méditation, le végétarisme… ! Alors quelle est la définition du développement durable ? Comment s’applique-t-il dans la joaillerie et les pierres de couleur ? Quelles en sont les limites aujourd’hui ? Quelles sont les actions possibles ?

C’est en 1992, au 3e Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, que le terme de « développement durable » prend ses lettres de noblesse. Il se définit par l’alliance de 3 piliers à concilier, qui sont : le progrès économique, la justice sociale et la préservation de l’environnement, autrement appelés les « 3 P » pour People, Planet et Profit. Dix années plus tard en 2002, le Président de la République française (Monsieur Jacques Chirac à l’époque) prononce cette phrase courte et culte (pour les initiés) en ouverture du discours qu’il fit devant l’assemblée plénière du IVe Sommet de la Terre à Johannesburg, en Afrique du Sud : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Autrement dit, il est temps de prendre en compte la planète et ses peuples.

Dès lors, le développement durable prend son essor dans tous les secteurs : entreprises, gouvernements, écoles, industries, associations… et le milieu de la joaillerie n’est pas épargné.

En 2003 (6 ans avant le film « Blood diamonds» avec Leonardo di Caprio), le processus de Kimberley entre en application. Il concerne les diamants et veut éliminer le commerce de ces pierres servant à financer des conflits armés. Il s’agit d’une garantie à appliquer sur chaque facture.

Le Responsible Jewellery Council (RJC) est fondé en 2005 par 14 organisations du secteur et développe un référentiel de pratiques responsables. Sont concernées les entreprises qui utilisent de l’or, du platine ou des diamants. Sur la base du volontariat, elles mettent en place des pratiques respectueuses de l’environnement, s’engagent sur une transparence financière, respectent les droits de l’homme… Le RJC comprend aujourd’hui plus de 1000 membres et environ 700 sont certifiées.

En 2008, la CIBJO (Confédération internationale de la Bijouterie, Joaillerie et Orfèvrerie) annonce le lancement de sa fondation WJCEF, dont l’objectif est de financer, diffuser et participer au développement de programme d’éducation sur le développement durable dans l’ensemble du secteur de la joaillerie.

A ce jour, aucun rendez-vous international du monde de la joaillerie ne se fait sans aborder ce thème majeur. Des rendez-vous se sont même spécialisés sur cette thématique, tel le salon du luxe et du développement durable « 1.608 » qui a lieu tous les ans à Paris ou le FLUX – Fair Luxury – qui se réunit également annuellement au Royaume Uni.

Quant aux entreprises, elles engagent leur RSE ou Responsabilité Sociétale des Entreprises (en anglais CSR : Corporate Social Responsibility). Le plan RSE est leur réponse aux actuels enjeux de développement durable.

De nombreuses marques de joaillerie éthique ont vu le jour, en France, en Europe et aux Etats-Unis. Elles travaillent par exemple avec de l’or Fairmined (dont le standard est apparu en 2009), un or équitable qui garantit une traçabilité, une extraction respectueuse des droits de l’Homme et de l’environnement et qui permet aux communautés minières artisanales de se développer.

Il n’existe pas aujourd’hui de label équivalent pour les pierres de couleur.

Le commerce de l’or équitable Fairmined se base notamment sur le versement d’un premium : prime supplémentaire à l’achat qui offre aux mineurs la possibilité d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. L’absence actuelle de prix de référence sur les pierres de couleur pourrait complexifier la mise en place d’un tel label.

Autres complications au déploiement rapide d’un plan RSE : le nombre d’intermédiaires de la filière ou les multiples vies d’une seule et même pierre. En effet, une pierre facettée passe entre de nombreuses mains, elle peut être montée, démontée, remontée… Elle est actuellement dans notre stock mais elle a été peut-être extraite il y a des centaines d’années. La traçabilité sur les pierres de couleur et leur origine précise sont deux premiers challenges indispensables à la RSE.

Il serait tentant de travailler directement avec la mine, mais une mine ne produit jamais l’ensemble des pierres qui peuvent répondre à la demande du client. Afin de répondre aux différents cahiers des charges, la clé est d’avoir une connaissance du marché, un réseau international solide et vaste qui permet de trouver la pierre recherchée au milieu d’un stock large.

Malgré ces difficultés, de multiples actions peuvent faire partie d’un plan RSE : mécénat, intégration de critères environnementaux et sociaux dans la décision d’achat, partenariat avec des ONG ou autres associations locales, développement d’une filière responsable en particulier …

Dans le cas des pierres de couleur, où les enjeux environnementaux et sociaux sont les plus forts en amont de la chaîne d’approvisionnement, au niveau de l’extraction minière, alors les engagements RSE doivent être ciblés sur ces pays producteurs et sur leur développement. Dans le cas des pierres de couleur, ou l’extraction est en majorité artisanale, il peut s’agir d’un engagement pour une rétribution plus juste de la valeur de la matière première auprès des mineurs, de contribuer à leur formation, de réduire les impacts environnementaux générés par l’extraction, de garantir aux mineurs leur empowerment*.

Le secteur de la joaillerie n’est pas épargné par le Greenwashing : procédé de marketing ou de communication utilisé par une entreprise dans le but de se donner une image écologique responsable. A chacun d’être vigilant et critique.

Dans le sigle RSE, il faut souligner le mot « Responsabilité ».  Etre responsable de choisir l’excellence, de travailler des matières nobles, précieuses et rares, de sublimer la nature, d’en exploiter ses ressources et de la préserver, de donner en retour.

De petits pas progressifs seront nécessaires. La traçabilité des matières et la connaissance de leur origine sont le point de départ. La dernière loi européenne** pousse d’ailleurs dans ce sens. L’intégration des pierres de couleur dans le périmètre d’activité du RJC est un autre symbole fort. Mais avant d’être contraint par les règlementations ou par le marché, peut-être est-il bon pour préserver les 3 P d’engager sa responsabilité sociétale.

“The brands that will thrive in the coming years are the ones that have a purpose beyond profit.” Richard Branson.

* l’octroi de davantage de pouvoir aux individus ou aux groupes pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils sont confrontés

** http://www.oecd.org/corporate/mne/mining.htm